Panneaux de signalisation anachroniques
Comme beaucoup j’ai passé mon permis de conduire, et donc mon code de la route. Passer ce dernier passe pour être la partie la plus ennuyeuse de l’apprentissage de la conduite. Personnellement je suis plutôt d’accord : c’est une étape obligatoire pour des raisons évidentes de sécurité avant d’être effectivement sur la route, mais passer 40 minutes à regarder des images et à appuyer sur des boutons, ce n’est pas très excitant. Le Code de la route, c’est un langage fait de règles, d’icônes, d’indices, de symboles, qu’il faut apprendre à voir, à comprendre et à lire avant de pouvoir tracer la route de manière sûre.
Des signes anachroniques ?
Parmi les nombreux panneaux figuratifs, deux m’ont toujours étonné par leur design. Il s’agit des panneaux indiquant un passage à niveau sans barrière et celui avec barrière, respectivement nommés A8 et A7 dans la nomenclature légale (A étant le groupe des panneaux de danger, de forme triangulaire). Le panneau A8 présente une locomotive à vapeur et la fumée qu’il émet. Le panneau A7 représente une barrière qui me parait être une barrière de jardin en bois typique.
Hormis quelques exception à vertu historique, je pense que l’on peut admettre que les train à vapeur sont loin d’être la majorité des train circulant sur les voies ferrées françaises. Pour la barrière on peut dire que la forme actuelle (nomenclature G2) est tout de même très éloignée du design présenté sur le panneau. Je n’ai d’ailleurs pas trouvé d’éléments historiques indiquant que cette forme correspondait effectivement à un type historique, mis à part une série de photographies de Paul Dubout (ici) montrant, en Australie, des barrières de part et d’autre d’un passage à niveau qui sont très proches du symbole du panneau. À noter que les dites barrières ne sont pas celles qui bloquent la voix, mais celles qui circonscrivent l’espace où voix ferrée et voix routière se rencontrent. On a peut-être là une origine du symbole sur le panneau, si le système australien et français ont des accointances, chose pour laquelle je n’ai aucune preuve.
On a donc là deux exemples de panneaux qui sont très clairement éloignés de la réalité des équipements contemporains, il représentent des éléments qui font écho à une période bien différente. Le panneau A7 a été introduit en 1946, et son symbole principal n’a pas évolué depuis, contrairement à l’évolution de l’équipement automatisé qu’il représente, dont la version actuelle a été formalisée en 1963 avec le dispositif G2, comprenant la barrière XK3, le signal lumineux R24 et les balises J10 (certains dispositifs ont été introduit dans la réglementation officielle après le début de leur utilisation). Le panneau A8, de manière similaire, a été introduit en 1946 et son symbole principal n’a pas évolué depuis, malgré l’arrivée de trains fonctionnant avec des technologies différentes qui on supplantés le train à vapeur.
Pour une mise à jour des symboles
Une question se formule alors : pourquoi ne pas mettre à jour le symbole présent sur ces panneaux, afin d’effacer cette dissonance entre l’élément réel et sa représentation simplifiée sur le panneau ? Après tout des panneaux plus récents montrent de manière plus adéquate l’évolution technologique des transports, avec par exemple le panneau annonçant la traversée d’une voix de tramway, datant de 1999, dans un graphisme assez proche du panneau A8. Évoquons également l’idéogramme annonçant une gare ferroviaire, introduit en premier lieu en 2008, avec un graphisme qui, chose rare, intègre un effet de perspective.
La signalisation routière est normée au niveau européen et international, avec le traité international de Vienne de 1968 (ici) suivi par l’accord européen de Genève de 1971 (ici). On peut comprendre qu’un changement de symbole puisse ne pas être aussi simple que cela, puisqu’il faudrait trouver un accord à l’échelle de plusieurs pays européens voire à l’échelle mondiale pour adopter un nouveau signe commun. Mais si des accords passés on pu être possibles, je ne vois pas pourquoi un addendum ou une mise à jour cohérente concernant ces deux panneaux ne soit pas possible.
Le problème du changement d’habitude
Évidemment le risque est de rencontrer des réticences quand à ce changement, sous prétexte de la difficulté à ré-apprendre ou d’une tradition à sauvegarder. Or, et on peut faire le parallèle avec la langue, tout système évolue et doit s’adapter aux changement de son environnement, des signes (ou des mots) disparaissent tandis que d’autres doivent être créés pour répondre à de nouveaux besoin. Enfin certains signes (ou mots) changent de sens. Auparavant le mot pour signifier « renard » était goupil, puis suite à la publication du Roman de Renart, le mot goupil a été petit à petit supplanté par le nouveau mot renard que nous connaissons (car un des personnage du Roman est un goupil se prénommant Renart). Rien n’empêche de faire de même avec les deux symboles qui nous intéressent. On peut envisager une période de transition présentant les deux formes cote à cote afin de contenter les plus conservateurs des usagers de la route. Si on propose des signes plus adaptés au contexte contemporain, et qui sont évidemment bien conçus, l’adoption se fera sans anicroche puisqu’elle paraitra comme logique.
- « Signalisation routière en France », Wikipédia (source)
- « Panneau de signalisation routière en France », Wikipédia (source)
- « Signalisation routière » (thème), routes.fandom.com (source)
- Arrêté du 22 octobre 1963 relatif à la signalisation routière, Journal Officiel de la République Française, 28 décembre 1963 (source pdf)
- « Convention de Vienne sur la signalisation routière », Wikipédia (source)
- « Accord européen de Genève sur la signalisation routière », Wikipédia (source)
- La totalité des images sont issues de wikimedia commons. Le tracé du symbole du panneau A8 de wikimedia présenté ici est légèrement différent du panneau réel, veuillez m’en excuser.