Remarquant le manque de caractères typographiques dédiés aux livres pour la jeunesse, le designer graphique et typographe Thierry Fétiveau décide lors de ses études de confectionner un caractère typographique qui pourrait combler ce manque. Ainsi naquit le caractère Andersen, nommé en référence à l’écrivain danois Hans Christian Andersen, connu notamment pour ses contes de fées.
Point de départ
Étudiant de nombreux ouvrages dédiés à la jeunesse, Fétiveau remarque que les caractères utilisés sont soient très « classiques » (comme le Garamond ou le Times New Roman), soient très marqués et moins adaptés à la lecture de textes longs (comme l’Hobo). L’idée est donc de proposer un entre-deux, à la fois expressif mais adapté à du texte de labeur. Ce type de textes étant souvent lus à voix haute, par les parents le plus souvent, la création de signes permettant d’indiquer des émotions ou des tons permettraient d’aider à la lecture et de rendre l’oralisation de l’histoire plus attractive et adaptée. Pour avoir une mère assistante maternelle, je peux vous garantir que la lecture à des enfants peut être considérée comme un acte performatif et théâtral.
Le caractère
L’Andersen est finalisé en 2018 et est depuis disponible à l’achat chez 205TF en deux graisses : normal et gras, toutes deux disponibles en variantes romaines et italiques. Formellement l’Andersen est un caractère à empattements à faible contraste et ayant un rendu assez doux et rond. Dans le but de faciliter la lecture des personnes ayant des troubles dyslexiques, les lettres sont dessinés de sorte à faciliter la différentiation des lettres ayant des formes similaires comme le b, le d, le p et le q.
Le système de signes pour les émotions
Comme évoqué plus haut, l’Andersen intègre une collection de 11 signes de ponctuation dédiés à l’indication des sentiments : amour, colère, dégoût, empressement, exaspération, inquiétude, joie, moquerie, peur, surprise & tristesse.
Formellement ces signes peuvent être considérés comme des déclinaisons des points d’interrogation et d’exclamation. Certains sont facilement déchiffrables, comme celui pour l’amour, dessinant un cœur, et d’autres nécessitent un apprentissage préalable, comme par exemple celui dédié à l’inquiétude. On reste ici dans une certaine tradition de la création de nouveaux signes de ponctuation, Hervé Bazin en tête, dont nous parlerons probablement un jour. En attendant, vous pouvez aller voir mon article sur le point d’interfinité.
Particularité d’usage, ces signes sont doubles : sur le mode espagnol, ils sont apposés à la fois en début de phrase en position retournée mais également à sa fin, en position normale cette fois. Le lecteur peut ainsi savoir dès le début d’une phrase quelle est la bonne intonation à prendre.
Afin de pouvoir les intégrer facilement au texte dans son logiciel de mise en page, une fonctionnalité OpenType permet de « coder » les signes, grâce à ce que l’on pourrait assimiler à des émoticônes. Pour signifier l’amour on écrira donc « 1<3 je t’aime <3 ». Le « 1 » permettant de générer la version renversée du signe. Pour la joie, on écrira « 1:D Je suis si heureuse de l’entendre :D ».
Si tout l’attrait (à mon avis) de ce caractère réside dans cette proposition de signes de ponctuation notant les émotions et la fonction de « codage » de ces derniers empruntant aux émoticônes, l’Andersen est tout à fait utilisable comme caractère de labeur « conventionnel » grâce à ses nombreuses fonctionnalités Opentype le rendant très complet. À vous donc de le prendre en main.
- « Andersen », Thierry Fetiveau (source)
- « Typographie Andersen : le making-of », Thierry Fétiveau (source)
- Andersen, specimen, 205TF (source pdf)