Il y a quelques semaines maintenant sortait le 30e numéro de Graphisme en France — revue annuelle publiée par le CNAP — mise en forme cette année par Louise Garric, et utilisant le caractère Pachinko d’Émilie Rigaud de A is for fonts.
Le caractère tire à priori son origine du travail de thèse (sur le point de se conclure) d’Émilie sur l’histoire de la typographie japonaise. En forme d’hommage à la culture nippone, il intègre des formes de caractères encadrés, rappelant les machines-jeu d’où sortent des boules contenant des prix. Le terme pachinko étant d’ailleurs emprunté au nom de machines de jeu japonaises typiques.
Dans le GeF, ces formes encadrées sont en particulier utilisées pour les légendes des images et les notes. C’est sur ce point que nous reviendrons.
11 ou 1 et 1 ?
En effet durant ma lecture j’ai été quelque peu arrêté par les appels de notes dont le nombre dépassait 9. Dans un tel cas en effet, l’appel est constitué de deux glyphes encadrés et juxtaposés. Si la chose parait assez banale, cette coupure entre les deux chiffres m’a fait plusieurs fois douter de la façon donc je devais les lire : j’avais tendance à lire séparément le premier chiffre avant de réaliser qu’il devait être associé au second. Il ne fallait pas lire le [1][1] « 1 et 1 », mais bien « 11 ».
Évidemment je m’y suis habitué, mais il n’empêche que cela a soulevé une petite réflexion sur des moyens de gérer d’une meilleure façon l’utilisation de ces glyphes pour les combinaisons de chiffres.
Le cas Ceremony
J’ai ainsi repensé au cas de caractère Ceremony, du Studio Joost Grootens, distribué par la fonderie Optimo. Le caractère, dédié initialement à la création de cartes et à la data-visualisation, intègre une pléthore de glyphes encadrés (dans des cercles, des carrés, et toutes sortes de polygones), aussi il m’a paru intéressant de voir comment il gérait la chose.
Et effectivement, le caractère va un peu plus loin en utilisant la fonctionnalité OpenType contextual alternates (calt), qui permet de substituer les doublons de chiffres comme [1][1] par une forme [11], intégrant donc dans un même bloc les deux composants, ce qui me parait bien plus clair à la lecture.
Néanmoins je trouvais alors une nouvelle limite : au-delà de 99, la fusion des chiffres saute. Si l’on avait souhaité avoir par exemple [111], on a en fin de compte [11][1]. Le problème ne se pose pas systématiquement à priori, mais il n’est pas non plus improbable d’avoir besoin de nombres encadrés supérieurs à 99, comment faire donc ?
Emprunter à l’écriture de l’arabe
Pour rappel, l’écriture des langues arabe, en plus d’aller de droite à gauche, a une particularité qui pourrait être très intéressante : les lettres ont des formes qui varient selon leur place dans le mot, qu’elles soient en début, au milieu ou en fin de celui-ci. Pour chaque lettre de cet alphabet (plus précisément de cet abjad), il y a donc possiblement 4 formes : isolée, initiale, médiale et finale. Ce besoin est évidemment intégré dans les fonctions OpenType dédiées, et permet aux locuteurs d’écrire de façon fluide les langues l’utilisant.
Si l’on imagine transposer cette fonction de positionnement, on pourrait relativement facilement dessiner des glyphes permettant de créer des combinaisons sans limitation de taille, puisqu’OpenType s’occupera d’afficher les bonnes formes. Sans grand effort, on pourra avoir [1], [11], [111], etc.
Mettre les mains dans la pâte
Je m’y suis donc essayé, en me limitant à un seul glyphe (le 2) et en prenant comme point de départ le caractère Hanken Grotesk, et les résultats sont plutôt satisfaisants. À noter que cela se base sur l’interface de test de mon logiciel de création typographique (Glyphs), et pas en conditions réelles dans un éditeur de texte par exemple.
Les fonctions init, medi et fina, fonctionnent bien sur mon aperçu, et par acquit de conscience, j’ai également testé une version plus complexe de calt, qui reprend grosso modo l’idée des init-medi-fina, qui marche là aussi plutôt bien.
Voici ce que cela donne en termes de code de fonctions dans le logiciel, on remarquera la simplicité du premier test, et la plus grande lourdeur du second :
# Pour init + medi + fina (ici regroupés mais normalement séparés en trois) :
sub two by two.init;
sub two by two.medi;
sub two by two.fina;
# Pour calt :
@initial = [space];
@final = [space period comma];
@letter = [two two.deb two.mil two.fin];
@initForms = [two.deb];
@mediForms = [two.mil];
@finaForms = [two.fin];
sub @initial @letter' @letter by @initForms;
sub @letter @letter' @letter by @mediForms;
sub @letter @letter' by @finaForms;
Il y a toutefois un souci sur ce second essai : quand je suis en début de ligne, le remplacement de la forme isolée par la forme initiale n’est pas opéré, et en essayant de corriger la chose je crée de nouveaux problèmes. Je suis assez peu expert, et j’imagine qu’il existe un moyen de pallier ce problème simplement, mais au moins par ces deux essais je pense pouvoir montrer que la chose est faisable, et finalement assez aisée dans la mise en place de base. L’application à de nombreux glyphes peut néanmoins alourdir le travail car à priori il faut définir les glyphes à la main et générer le code pour les calt à la main également, là où pour init, medi et fina, le logiciel s’en charge très gracieusement pour vous.
Il n’y a plus qu’à, comme on dit.
Martin Groch est un designer graphique et illustrateur d’origine slovaque basé à Bruxelles connu en particulier pour ses dessins dont certains sont publiés dans la presse. Son style est rapide, simple mais incisif. En 2022 il conçoit pour Abyme – éditeur indépendant de travaux d’artistes avec un focus particulier sur le texte et les caractères typographiques – un caractère contenant 192 dessins originaux : Sweathearts. Ou pour développer complètement son nom : Sweathearts – twenty-six characters in search of an author.
Sweathearts, un caractère typo-dessino-graphique
Le texte de présentation de ce caractère, présent sur la page dédiée du site d’Abyme commence ainsi :
A duck, a music-hall entertainer, an it girl, a Wall Street shark, a detective, a vampire, and a young curator – a collection of question marks. Twenty-six improbable entities stuck together into a pit of darkness. No logic, no reason, no explanation; just a prolonged nightmare in which fear, loneliness, and the unexplainable walk hand in hand through the shadows.
Effectivement, ce caractère typographique est particulier, puisque c’est un caractère dingbat dans son acception primaire. Chacun des glyphes codant pour un signe (une lettre par exemple) ne présente pas le signe associé (la lettre correspondante), mais l’un des dessins de sont auteur. Ainsi, en tapant la lettre correspondant à [lettre C capitale], on n’obtient pas « C », mais le dessin d’un canard regardant une image.
Sweatheart n’est donc pas tant un caractère typographique qu’une galerie de personnages et de situations : Thomas, un oiseau, un canard, un chat, Mr Peanut, une cacahuète (dans sa bogue), Carolee, une sorte de démon féminin ou encore un vampire. Je peux supposer qu’ils s’inscrivent dans l’univers déjà en place de l’artiste et qu’il s’agit ici d’en faire une sorte de photo de famille.
Des fonctions OpenType qui racontent des micro-histoires
Profitant des fonctionnalités propres aux caractères typographiques, Sweathearts intègre des sets stylistiques permettant de compléter la galerie d’images, en proposant d’inclure des variantes des personnages.
À ces variantes viennent s’ajouter des « ligatures » où deux personnages juxtaposées sont substitués à une nouvelle situation, permettant de raconter une histoire en trois glyphes, comme l’indique la suite du texte de présentation :
Two liminal characters, duck and cat, when joined at the hip, become a ligature of close friends walking sweetly side by side. Mr Egg when set close to crab will consume him, steamed, buttered and plated. A Dobermann tied to an it girl can only ever result in a terrible glyph situation. Soon, we’ll start collecting clues as to the whys, the whats, and the wheres. We will not end the nightmare, nor explain it – because this is Sweathearts.
Avec Sweathearts on voit donc que les caractères typographiques, dans le sens de fichiers typographiques, peuvent proposer plus que de simples collections de signes utilitaires et devenir des vecteurs de créations, voire pourquoi pas une nouvelle forme de média ? Après-tout, avec le système de ligature du Sweathearts, on peut faire un parallèle qui ne me semble pas si osé avec les strips de bande dessinée.
“Sweethearts – Twenty-six characters in search of an author”, Martin Groch, Abyme, 2022 (source)
Un caractère typographique c’est avant-tout un objet permettant d’écrire. Il contient en premier lieu des lettres, mais aussi des signes de ponctuation et d’autres signes utiles à la composition courante de textes. Le caractère Teranoptia lui ne permet rien de tout cela, d’ailleurs il ne contient absolument aucune lettres, et c’est cela qui en fait une proposition intéressante.
Créer des chimères en appuyant sur son clavier
Pensé par Ariel Martín Pérez et édité par la fonderie Tunera Type Foundry (dont il est le fondateur), Teranoptia est un caractère à chasse fixe dingbat, c’est à dire un caractère dont les glyphes ne sont pas des correspondances directes des lettres avec lesquelles elles sont associées. Pour le dire autrement, si j’appuie sur la touche « A » de mon clavier, je n’obtiens pas la lettre « A », mais un signe qui n’a pas forcément de rapport avec un « A ». Les caractères dingbat sont souvent des caractères utilitaires complétant par des collections de symboles des caractères typographiques plus « normaux ». On entre ainsi dans le monde des systèmes typo-graphiques, si je puis me permettre cette notation.
Dans le cas présent ce caractère permet d’associer des « morceaux » de créatures afin de créer des chimères plus ou moins élaborées et plus ou moins fantastiques. Le « a » est associé à une tête de serpent, le « f » à un corps de dragon, le « o » à une queue de requin, et ainsi de suite. Avec un total de 30 morceaux uniques disponibles et en comptant les 30 copies symétriques de ces morceaux, les possibilités sont grandes. Formellement il est difficile de ne pas évoquer les livres et jeux pour enfants type Méli-Mélo où l’on peut mélanger des parties d’animaux (tête, tronc, queue) afin de créer de nouvelles créature hybridées. Teranoptia fait finalement la même chose, mais typographiquement.
En plus de ces éléments se trouvent 17 « portails » – rappelant la mécanique principale du célèbre jeu vidéo Portal – qui permettant de créer des « ponts » verticaux ou horizontaux entre les blocs de chimères, augmentant encore les possibilités de jeux visuels puisque que l’on peut développer ses créatures sur plusieurs lignes à la fois.
Une inspiration historique
De l’aveu même du de son créateur, Teranoptia est inspiré de la Tapisserie de Bayeux et par les illustrations médiévales et effectivement on retrouve dans les manuscrits médiévaux un bestiaire assez complet : des animaux réels, des animaux réels mais très mal reproduits (surtout pour les animaux exotiques) et évidemment des créatures mythiques issus de la Bible notamment.
D’ailleurs les bestiaires étaient des ouvrages semble-t-il très populaires au XIIe et XIIIe siècles, où les animaux et les créatures étaient des supports à la réflexion ésotérique et philosophique. Peut-on voir ici un parallèle avec les Fables de La Fontaine, publiées au XVIe siècle ? Possiblement. Pour les intéressés vous pouvez voir ici un Bestiaire appartenant aux collections du musée Getty (Los Angeles), permettant de télécharger des images haute résolution des pages de l’ouvrage.
A-t-on donc ici un caractère typographique « utile » ? Non. Est-ce un problème ? Et bien non. Que les typographes proposent des détournement de leur media et nous permettent de nous amuser avec leurs expérimentations est une bonne chose. C’est une manière d’explorer et de profiter des possibilités offertes par les caractères typographiques d’une façon originale, autant pour les utilisateurs que pour les typographes eux-même j’imagine. Ce caractère étant distribué sous licence libre SIL Open Font, il serait dommage de ne pas en profiter, alors télécharger-le et amusez-vous.
Dans la publication de sa thèse doctorale Visualiser l’archéologie, Fabienne Kilchör nous expose sa recherche en partenariat avec le Fond national suisse et l’Institut des sciences de l’Université de Berne. La production majeure de ce travail est le caractère typographique et pictographique Diglû pensé pour la médiation des découvertes archéologiques et dont le nom est inspiré de termes Akkadiens évoquant la vision et du terme dagālu : regarder.
Un outil au service de l’archéologie
Le point de départ du travail sur le Diglû vient de la volonté de proposer aux archéologues un outil leur permettant de pouvoir travailler plus efficacement à la schématisation de leurs découvertes, à la présentation de leurs données, leur partage et leur analyse. Cela peut passer par des schémas de zones de fouilles, des cartes, des diagrammes et divers représentations schématiques des découvertes effectuées.
Ainsi un grand nombre d’éléments graphiques et pictographiques ont été dessinés pour cet usage. On peut citer des pictogrammes pour la représentation de différents types de céramiques ou d’objets, avec dans certain cas un système diacritique de modulation de sens. Sont également présents des éléments pour la représentation de données avec des camemberts, des barres et des pictogrammes à utiliser par exemple sur des cartes pour noter des lieux et des typologies d’environnements : forêt, cultures, présences animales ou végétales ou encore des caractères assimilables à des textures servant à dénoter la nature des sols et des matériaux présents sur le lieu de fouille.
Si le caractère a été pensé en premier lieu pour l’usage des professionnels, la nature pictographique, schématique et simplifiée des pictogrammes est très adaptée à la vulgarisation scientifique.
Le caractère
Le Diglû est un caractère sans-serif géométrique à faible contraste, tirant vers le Futura dans le style, et disponible dans un total de 10 graisses allant du très fin au très gras, en versions romaine et italique. 20 variations au total, donc.
Les pictogrammes sont intégrés au caractère dans les 10 graisses du caractère, en comptant cependant que les 3 dernières ne sont que des copies du gras, probablement pour un soucis de lisibilité sur ces graisses extrêmes. Ces pictogrammes ne sont pas modifiés pour les versions italiques de ces graisses. Bien évidemment, tous les pictogrammes sont intégrés visuellement avec les glyphes alphabétiques, avec une prédisposition à être plutôt calés au niveau de la ligne des descendantes que de la ligne de base. Je trouve que ce placement est un peu “ pendant ” visuellement, alors qu’un léger décalage vers le haut me semblerait plus juste. Il y a peut-être un paramètre de construction qui justifie ce placement et que je n’ai pas. En attendant d’avoir une explication précise, à vous de vous faire votre avis.
Un système qui s’agrandit
Au moment du travail de thèse, le Diglû contenait 800 pictogrammes, mais depuis le système a été étendu à des domaines autres que la seule archéologie par le biais de son utilisation dans des projets du studio de design graphique Emphase, dont Fabienne Kilchör est la co-fondatrice. Citons en particuliers les projets de communication et de créations graphiques pour l’École polytechnique fédérale de Lausanne qui ont nécessités la création de nouveaux pictogrammes, dédiés cette fois aux sciences physiques.
À l’heure d’écrire ces lignes, et d’après le site web de présentation du caractère, on compte plus 1500 pictogrammes. Certains sont liés aux sciences et très spécifiques, comme expliqué plus haut, et d’autres sont plus communs : éléments fléchés, emojis et pictogrammes liés à la vie courante et aux transports. Chaque nouveau projet pris en charge par Emphase est donc susceptible d’enrichir ce système typo-graphique à part entière.
Walter Bohatsch est un designer graphique et typographe autrichien, membre de l’AGI. Il a été un temps enseignant en design et en typographie et est le fondateur du studio de design graphique Bohatsch und Partner. Il a gagné plusieurs prix, dont « Le plus beau livre d’Autriche » en 1990, 2004 et 2007.
Un ouvrage de présentation d’un système typographique
Quand on tape « Walter Bohatsch » sur Google images, on tombe rapidement sur le projet qui est sans doute le plus célèbre de cet auteur : les Typojis, et notamment l’édition qui est associée.
Cet ouvrage, d’un format assez généreux de 187 × 250 cm pour 240 pages, est à la fois un spécimen, une présentation et un cahier d’apprentissage d’un caractère typographique comprenant 30 nouveaux signes de ponctuation signifiant les émotions et nommé Typojis. L’ouvrage est entièrement bilingue allemand-anglais et se segmente en plusieurs blocs. Le premier étant dédié à une présentation générale du système, suivi par une série de textes par des auteurs invités. L’essentiel du livre est occupé par un bloc de présentation des 30 signes, toujours présentés de la même manière : une photographie issue de la culture mondiale (politique, culture, etc.), le signe en pleine page, une double page de phrases d’exemple sur fond bleu en page de gauche, et en rouge en page de droite. Vient ensuite une double page en forme de cahier d’exercice de traçage du signe à la manière d’un cahier d’écolier, on peut ainsi s’entrainer au traçage de ces nouveaux glyphes. On finit par un spécimen complet du caractère typographique Typojis sur une page, montrant à la fois les 30 signes et les caractères usuels. À noter que l’ensemble de l’ouvrage est composé avec le-dit caractère, qui en soit suffit en tant que spécimen des caractères alphabétiques qui sont autrement moins mis en avant par rapport aux 30 signes pour les émotions.
À propos des typojis
Les typojis (on fera ici usage de ce terme pour désigner les signes spécifiques du caractère) codent 30 sentiments et tons : Optimisme, Pessimisme, Euphémisme, Exagération, Sympathie, Antipathie, Enthousiasme, Scepticisme, Intégrité, Tolérance, Ignorance, Surprise, Déception, Solidarité, Rejet, Sagacité, Naïveté, Admiration, Ennui, Mépris, Curiosité, Autorité, Provocation, Séduction, Challenge, Aspiration, Modestie, Secret, Outrage, et Ironie. Leur construction est basée sur la construction des signes d’exclamation et d’interrogation, avec un point en bas et une forme plus ou moins courbe en chef.
Certain signes codant pour des émotions opposées sont dessinés en symétrie, verticale par exemple pour l’Enthousiasme et le Scepticisme ou horizontale pour le cas de l’Euphémisme et de l’Exagération. Dans cette symétrie le point souscrit n’est jamais impacté, seul la partie supérieure l’est. Aucun de ces signes ne semblent pas s’inspirer de formes existantes de signes de ponctuation pour les émotions ou de formes graphiques connues. C’est particulièrement prégnant pour le signe pour la séduction, qui aurait pu évoquer une sorte de cœur, ce qui aurait indiqué la thématique générale invoquée.
Si certains signes sont faciles à écrire, d’autres le sont beaucoup moins, le signe pour la Provocation et la Séduction étant selon moi les plus difficile à prendre en main. Je sais que la pratique de l’écriture manuscrite s’amenuise, mais je me serai attendu à des formes avec un tracé relativement simple. On est bien là sur de la typographie, dans son sens mécanique, et pas dans la calligraphie, dans son sens manuel. D’ailleurs le caractère Andersen, dont j’ai parlé dans le billet précédent, et qui a une thématique similaire, n’est lui aussi pas adapté selon moi à un traçage manuel de ses signes. Dans les deux cas, on est là dans une proposition graphique pensée pour la composition de texte et sa lecture, pas pour son traçage.
Pour ce qui est de l’utilisation de ces 30 signes, c’est un simple système OpenType de ligature qui permet de les ajouter à un texte. Il suffit d’entourer le nom (anglais) du signe par les signes d’addition pour faire remplacer la formule par le signe correspondant. Par exemple pour l’Optimisme, on notera « +optimism+ ». Simple et efficace.
À propos du nom
Le terme « typoji » contraction assez claire de « typographie » et d’« emoji » évoque donc un système graphique bien connu de représentation d’émotions (bien que maintenant les emojis soient bien plus variés) sous forme de petites images. C’est là donc que je trouve que le nom donné, bien que je le comprenne, ne me semble pas le plus adapté. En effet l’intérêt des emojis réside dans leur forme illustrative, permettant, en théorie, une compréhension immédiate, ne nécessitant pas d’apprentissage particulier (c’est évidemment bien plus compliqué que cela) et donc adaptée à leur usage dans les conversations à l’heure d’internet et des réseaux sociaux. Ce sont des icônes. Selon moi, les typojis sont eux des signes à plus rapprocher du système de ponctuation, nécessitant donc un apprentissage de leur signification. Ce sont donc des symboles.
Disant cela, je ne résous pas le problème et il est clair que d’avoir choisi typoji connecte ce travail à une certaine contemporanéité en proposant des signes plus ‘typographiques’ et possiblement moins perturbant que les emojis, qui sommes toute ne sont quasiment pas utilisés dans la composition de textes littéraires par exemple, probablement car considérés comme trop familiers. Ce terme permet également d’inférer l’utilité et le domaine d’intervention de ce système. En cela le mot-valise typoji est tout à fait adapté. À vous maintenant de vous faire votre avis.
Typojis – A Few More Glyphs, Walter Bohatsch, Verlag Hermann Schmidt, 2017 (source)