Alexandre Texier

Alphabet chryptographique des filous

En 1876 Cesare Lombroso publie L’homme criminel, ouvrage défendant notamment la thèse que la criminalité est une caractéristique transmise de façon héréditaire, et dont on peut trouver des marques par l’étude physique des personnes. Avec une méthodologie que l’on pourrait qualifier de scientifique, il déploie ses arguments par de nombreuses études physiques et par l’adjonction des planches richement illustrées d’éléments prélevés dans la culture criminelle.

Les signes des marges

Si les planches sont légendées de façon assez précise sur le contexte et le sens des éléments, sur la planche XXXIV, la figure 5 est simplement nommée « Alphabet chryptographique des filous » (avec cette graphie spécifique) sans plus d’explication de son origine et de son usage. L’alphabet partiel représenté donne les correspondances entre les signes des filous et l’alphabet usuel. Un déchiffrage sans doute utile aux services de police de l’époque.

L’homme criminel, planche XXXIV (détail)

Du point de vue formel, les signes présentés sont basés sur des figures simples (lignes, cercle, coins, pointes) qui se combinent de façon séquencée : les formes en pointes se suivent (g à p), tout comme les coins (q à x). C’est une construction assez arbitraire, mais qui a le mérite de la simplicité et de l’économie de moyen.

Juste en dessous de l’alphabet se trouve une copie d’une inscription présentant à sa droite le dessin de deux sabres croisés qui, d’après la légende fournie, signifie le vol.

L’homme criminel, planche XXXIV (détail)

Ces fameux filous du XIXe siècle possédaient donc un système de communication complet, un code, qui permettait à la fois de mettre en exergue leur particularité sociale, de souder leur communauté, et en même temps de permettre l’exclusion des autres groupes sociaux et dans le cas qui nous intéresse de rendre plus complexe le travail de la maréchaussée.

Dans un registre similaire comment ne pas penser au hobo code, un système de marques utilisé notamment par la communauté des travailleurs migrants états-uniens des XIXe et XXe siècles qui permettait, tel un système de signalisation routière, d’indiquer (entre autres) les lieux qui étaient à éviter et les lieux qui leur seraient favorables. Notons cependant que l’usage réel de ce code prête à débat et que des sources objectives manquent, de plus simples graffitis étant quant à eux attestés.

Des signes attribués à un code des vagabonds de France — Wikimedia

Si nous parlons surtout ici de lexiques visuels, il existe également un lexique partiellement cryptique pour l’oral ou l’écrit des filous. Le terme argot, dans son sens originel, désigne ce vocabulaire spécifique. Certains mots prennent un sens secondaire, d’autres sont inventés pour l’occasion afin de brouiller les pistes et assurer une certaine confidentialité des affaires pour le moins douteuses. Pour pousser cette question plus loin, je conseille la lecture de L’Argot de Pierre Guiraud (PUF, 1985), qui, bien qu’assez ancien, permet de se rendre compte de façon assez synthétique de la créativité linguistique de la petite délinquance française d’autrefois, qui n’a soit dit en passant rien à envier au lexique marketing de la startup nation d’aujourd’hui.

Hérédité, bosses du crâne et criminologie

Pour finir, revenons tout de même au travail de Lombroso. Si la présentation se veut scientifique, la qualité du travail a été remise en question dès sa publication et battu en brèche en particulier pour sa méthodologie bancale. La conception de l’hérédité des caractéristiques criminelle a amené à de nombreux abus et raccourcis. La phrénologie, pseudoscience, se proposait, par l’étude des bosses du crâne, de déduire le comportement de la personne, ses qualités comme ses tares. Mêlé au système d’anthropométrie judiciaire de Bertillon et la physiognomonie défendue par Lombroso, on en arrive rapidement à un mélange certes creux mais favorisant l’essentialisation des personnes, les théories racistes, antisémites (pensez au nez crochu des juifs par exemple), homophobes, et j’en passe. Un véritable racisme pseudoscientifique qui permet d’éclairer sous un jour nouveau les éléments ayant amené aux évènements mondiaux du XXe siècle.

Si la chose parait absurde de nos jours, on en retrouve de forts stigmates dans les années 50 et 60, au sujet notamment de l’affaire Dominici, qui avait été un sujet de travail dans le cadre de mon DNA. Une émission de France culture, datée de 2020, revient sur ce phénomène persistant et suggère même son retour en force, appuyé cette fois par les progrès de la génétique. Si la science invalide des théories fumeuses rapidement, force est de constater que l’emprise sur le corps social est plus difficile à maitriser.


  1. L’homme criminel, Cesare Lombroso, (version de) 1887 (source)
  2. L’homme criminel — Atlas (deuxième édition), Cesare Lombroso, 1888 (source, pdf)
  3. « Cesare Lombroso », Wikipedia (source)
  4. « Physiognomonie », Wikipedia (source)
  5. « Le retour de la théorie du ‹ criminel-né › », esprit de justice, France Culture, 02/12/2020 (source)
  6. « Hobo », Wikipedia (source)
  7. The mostly true story hobo graffiti, Vox, 16/07/2018 (source)
  8. « Hobo signs, langage secret des vagabonds d’Amérique », Graphéine, 03/04/2023 (source)

Un jeu vidéo pour décrypter des langues

J’écoutais il y a quelque temps un fameux streamer sur Twitch qui s’apprêtait à lancer un nouveau jeu en live qu’on lui avait très chaudement recommandé : Chants of Sennaar. Lui ayant été vendu comme un jeu d’enquête sur des langues à la DA magnifique qui n’avait pas à rougir du très bon Return of the Obra Dinn, sa curiosité avait été évidemment piquée. Ayant également adoré Return of the Obra Dinn et grand amateur des systèmes typo-graphiques, j’ai donc mis en pause le stream afin de ressortir ma Switch qui trainait dans un tiroir pour l’acheter et y jouer au plus vite.

Note: à la demande des développeurs, je limiterai au maximum les images présentant les signes à déchiffrer et les éléments d’enquête. Un droit de regard sur le texte leur a été accordé afin d’assurer qu’un minimum des éléments clefs soient montrés.

La tour de Babel comme aire de jeu

Dans Chants of Sennaar le joueur incarne un personnage qui doit progresser dans une gigantesque tour, métaphore assumée de la tour de Babel. Dans les cinq étages de celle-ci vivent cinq peuples aux cultures différentes : dévots, guerriers, bardes, alchimistes et reclus. Chacun de ces peuples possède une ambiance visuelle, une architecture et une pseudo-langue propre à découvrir.

Armé d’un simple carnet de notes (associant un signe de la langue rencontrée et une illustration) et de ses talents de déductions, le joueur doit donc tenter de déchiffrer la langue de chaque étage afin de résoudre des énigmes et de progresser dans le jeu. Quand l’ensemble des déductions d’une page sont correctes (association entre illustration et signe de la langue donc), les termes sont « validés » et on obtient la traduction officielle des termes rencontrés. Un système simple, mais efficace, où une compréhension partielle des mots permet tout de même d’avancer. L’idée n’est pas de trouver une traduction forcément exacte, mais de pouvoir comprendre l’idée sémantique du signe à déchiffrer, clef pour résoudre les énigmes et faire les bonnes actions dans le jeu.

Vue du carnet permettant le travail de réflexion et de traduction — © Rundisc

Les environnements sont épurés, l’accent étant mis sur l’aspect visuel associé à chaque peuple. La caméra assez éloignée et bien souvent fixe permet de toujours profiter de l’espace dans lequel on déambule, on se croit parfois dans un tableau. Si l’inspiration n’est à priori pas revendiquée, j’y vois un parallèle de fond avec les propositions de Monument Valley ou encore de Journey.

L’étage des dévots — © Rundisc
L’étage des guerriers — © Rundisc
L’étage des bardes — © Rundisc

Des signes inspirés par la culture écrite du monde

De l’aveu même des deux développeurs à l’origine du projet — Julien Moya et Thomas Panuel — les signes rencontrés n’ont pas été pensés pour créer de véritables langues, mais seulement un ensemble d’éléments de vocabulaire servant le gameplay. Par contre chaque peuple devant avoir un style propre, des inspirations ont été prises du côté de systèmes visuels réels.

Ainsi on peut retrouver pour certains peuples des références plus ou moins claires. L’alphabet phénicien, assez géométrique, ou le protosinaïtique pourraient être associés aux dévots. L’arabe et le devanagari collent plutôt aux bardes. L’alphabet runique aux guerriers. Dans le cas des alchimistes, on est plus face à des signes évoquant clairement la tradition des signes alchimiques, assez complexes, et formant presque plus des sortes de logos que des lettres. À mon sens, c’est le système des reclus qui est le plus éloigné des systèmes de signes connus, en m’évoquant plutôt des expérimentations graphiques plus contemporaines. Je ne peux m’empêcher de faire ici un parallèle avec certains des signes vus dans Letterform variations de Nigel Cottier.

Les 5 systèmes de glyphes du jeu — © Rundisc

Certains glyphes ayant un point commun sémantiquement parlant présentent également des similitudes graphiques. Des termes associés à des lieux ou aux noms des peuples auront donc des structures ou des parties similaires. Sur ce point les projets de pasigraphies, telles le Bliss ou le LoCoS usent de cette technique : cela permet d’apprendre et de comprendre plus aisément la logique de la langue, et pour le jeu, cela permet de guider de façon subtile l’avancée du joueur et de rationaliser le processus de design, tout le monde est content.

Jouer à ce jeu, c’est indirectement s’ouvrir à une culture visuelle très riche, mais parfois peu connue du grand public et qui représente le patrimoine graphique du monde et des peuples qui y vivent ou qui y ont vécu. Un bon message porté et assumé par le jeu, alors jouez-y.


  1. Chants of Sennaar, Rundisc, Focus Entertainment, 2023 (source)
  2. Chants of Sennaar, Focus Entertainment (source)
  3. « Godot & la création de Chants of Sennaar », Atomium & Mister MV, Rencontre en terre indé, 03/10/2023 (source YouTube)
  4. « Chants of Sennaar », Wikipedia (source)

Sweathearts, quand un illustrateur rencontre une fonderie typographique

Martin Groch est un designer graphique et illustrateur d’origine slovaque basé à Bruxelles connu en particulier pour ses dessins dont certains sont publiés dans la presse. Son style est rapide, simple mais incisif. En 2022 il conçoit pour Abyme – éditeur indépendant de travaux d’artistes avec un focus particulier sur le texte et les caractères typographiques – un caractère contenant 192 dessins originaux : Sweathearts. Ou pour développer complètement son nom : Sweathearts – twenty-six characters in search of an author.

Sweathearts, un caractère typo-dessino-graphique

Le texte de présentation de ce caractère, présent sur la page dédiée du site d’Abyme commence ainsi :

A duck, a music-hall entertainer, an it girl, a Wall Street shark, a detective, a vampire, and a young curator – a collection of question marks. Twenty-six improbable entities stuck together into a pit of darkness. No logic, no reason, no explanation; just a prolonged nightmare in which fear, loneliness, and the unexplainable walk hand in hand through the shadows.

Effectivement, ce caractère typographique est particulier, puisque c’est un caractère dingbat dans son acception primaire. Chacun des glyphes codant pour un signe (une lettre par exemple) ne présente pas le signe associé (la lettre correspondante), mais l’un des dessins de sont auteur. Ainsi, en tapant la lettre correspondant à [lettre C capitale], on n’obtient pas « C », mais le dessin d’un canard regardant une image.

Quelques illustrations présentes dans le caractère : [C], [X], [e] – © Martin Groch & Abyme

Sweatheart n’est donc pas tant un caractère typographique qu’une galerie de personnages et de situations : Thomas, un oiseau, un canard, un chat, Mr Peanut, une cacahuète (dans sa bogue), Carolee, une sorte de démon féminin ou encore un vampire. Je peux supposer qu’ils s’inscrivent dans l’univers déjà en place de l’artiste et qu’il s’agit ici d’en faire une sorte de photo de famille.

Des fonctions OpenType qui racontent des micro-histoires

Profitant des fonctionnalités propres aux caractères typographiques, Sweathearts intègre des sets stylistiques permettant de compléter la galerie d’images, en proposant d’inclure des variantes des personnages.

Variations stylistiques pour le [7] – © Martin Groch & Abyme

À ces variantes viennent s’ajouter des « ligatures » où deux personnages juxtaposées sont substitués à une nouvelle situation, permettant de raconter une histoire en trois glyphes, comme l’indique la suite du texte de présentation :

Two liminal characters, duck and cat, when joined at the hip, become a ligature of close friends walking sweetly side by side. Mr Egg when set close to crab will consume him, steamed, buttered and plated. A Dobermann tied to an it girl can only ever result in a terrible glyph situation. Soon, we’ll start collecting clues as to the whys, the whats, and the wheres. We will not end the nightmare, nor explain it – because this is Sweathearts.

Un exemple de ligature [Q] + [L] qui se passe mal pour le crabe – © Martin Groch & Abyme

Avec Sweathearts on voit donc que les caractères typographiques, dans le sens de fichiers typographiques, peuvent proposer plus que de simples collections de signes utilitaires et devenir des vecteurs de créations, voire pourquoi pas une nouvelle forme de média ? Après-tout, avec le système de ligature du Sweathearts, on peut faire un parallèle qui ne me semble pas si osé avec les strips de bande dessinée.


  1. “Sweethearts – Twenty-six characters in search of an author”, Martin Groch, Abyme, 2022 (source)
  2. @martin_groch (compte Instagram)
  3. Sweathearts (spécimen du caractère typographique), Abyme, 2022 (source pdf)

Symboliser le handicap

J’ai récemment regardé la captation d’un live de la chaîne YouTube La tronche en biais intitulée « Maladies (et handicaps) invisibles ». Au delà de la thématique abordée et clairement évoquée dans le titre de ce live, j’y ai appris qu’en France, 80% des handicaps étaient des handicaps invisibles. Cela inclut entre autres des troubles physiologiques ou psychologiques qui ne sont pas marqués sur les fronts des personnes. Pourtant quand on pense handicap, on pense prioritairement à un handicap physique. D’ailleurs, la signalisation du handicap reflète ce biais, puisque l’on montre une personne en fauteuil roulant. On représente ainsi des personnes handicapées par un type d’handicap qui ne concerne donc qu’au maximum 20% de celles-ci. Pourquoi donc associer visuellement le handicap à ce qui n’est au final qu’une très faible portion de la réalité ?

Un pictogramme international du handicap ?

Le pictogramme du handicap que nous connaissons tous c’est celui intégré à la norme ISO 7001, norme contenant 177 symboles spécifiquement dédiée aux symboles d’informations publiques, parue en 1980, mais dont la dernière mise à jour date de 2023.

Le pictogramme ISA notant l’accessibilité à des personnes à mobilité réduite

Ce symbole, dessiné dans sa première version par Susanne Koefoed en 1968 montre un fauteuil roulant stylisé et vu de côté. Dans sa version finale ce symbole représente une personne assise dans une fauteuil roulant grâce à l’ajout par Karl Montan d’un cercle en haut du siège du dessin original. On passe ainsi d’un fauteuil vide à un fauteuil occupé par une personne. Ce pictogramme est officiellement nommé ISA : International Symbol of Access (Symbole international d’accès), indiquant un lieu dont l’accès a été facilité pour les personnes à mobilité réduite. Dans la norme, son code est AC001. AC pour la catégorie « Accessibility » et 001 pour son index, le premier de cette catégorie. Ce pictogramme n’est donc pas à proprement parlé un pictogramme montrant le handicap, mais un pictogramme évoquant la résolution d’une problématique particulière, liée aux handicaps : la difficulté de déplacement et d’accès à certains lieux.

Un handicapé n’est pas une personne passive

Quelques dizaines d’années plus tard, entre 2009 et 2011, Tim Ferguson Sauder, Sara Hendre et Brian Glenney développent The Accessible Icon Project, un projet visant à créer et promouvoir un nouveau symbole graphique pour l’ISA qui serait moins stigmatisant. En effet le symbole original, très stylisé, montre une personne handicapée statique, là où pour ce trio, il faudrait plutôt montrer que les personnes handicapées sont actives et capables de faire les propres choix, plutôt que d’êtres déplacées de façon passive, ajoutant à leur mise au banc de la société. Le pictogramme original, pourtant très spécifique, était donc devenu un symbole du handicap de façon générale.

L’ISA revisité par The Accessible Icon Project

Dans cette nouvelle version libre de droit et en accès public, on remarque d’abord l’impression de mouvement et d’énergie du personnage, tête en avant, bras en arrière pour faire avancer son fauteuil. Ce dernier n’est d’ailleurs quasiment plus visible, puisque seule sa roue est figurée. Le dossier qui avait été transfiguré en personne par l’ajout du cercle est complètement enlevé au profit du personnage bien plus identifiable et plus proche du design des autres figures humaines présentes dans la norme ISO 7001 d’ailleurs. Si cette proposition n’a pas été officiellement intégrée à la norme elle-même, elle a été largement adoptée par le biais de son correspondant dans la norme Unicode via l’emoji « ♿ » et ses variations graphiques dépendantes des différents constructeurs de services numériques (Twitter, Apple, Facebook, etc.). Fait intéressant également, le MoMA a intégré cette proposition à sa collection permanente en 2013 et l’a présenté entre 2014 et 2015 dans l’exposition A Collection of Ideas, signe de l’importance du projet.

Pour une signalisation des handicaps et de leurs réalités

Comme je le disais en tout début de ce texte, on ne représente via l’ISA qu’une très petite partie de la réalité du handicap. Dans la captation du live est ainsi évoquée ce que je disais précédemment : en France, 80% des handicaps sont invisible. Aussi, et suite à l’organisation en 2018 d’un groupe de travail piloté par Cardiogen & la Fava-multi est proposé un pictogramme représentant les handicaps invisibles.

La proposition de pictogramme pour les handicaps invisibles

Le pictogramme reprend le fond bleu déjà en place dans les autres éléments d’information de ce type, et montre une personne de face faisant un signe de salut de la main et dont l’ombre projetée montre une personne en fauteuil faisant elle aussi un signe de la main. Une évocation assez cohérente de l’idée que ce que l’on voit cache peut-être la réalité d’une situation personnelle plus complexe. L’idée de la personne en fauteuil roulant comme symbole universel du handicap est reprise.

Évidemment d’autres pictogrammes montrant d’autres formes d’handicap existent, y compris dans la norme ISO 7001. On peut citer par exemple des pictogramme indiquant l’accessibilité à des chiens guides, l’adaptation à des personnes malentendantes ou malvoyantes. Cependant ils me semblent avoir une empreinte visuelle moins forte auprès du public que celle de l’ISA, qui, comme déjà évoqué, est devenu un symbole général du handicap et qui a par la même occasion biaisé notre compréhension du handicap et de ses formes bien plus variées que ce symbole peut nous le laisser penser.

Les pictogrammes pour l’accessibilité aux chiens guides, une adaptation des services aux malentendants et aux malvoyants

On remarque via ces exemples successifs que le rapport à l’image du handicap a changé. Au départ le pictogramme ne devait que rendre visible des moyens facilitant l’accessibilité à des personnes à mobilité réduite, et en particulier les personnes en fauteuil roulant, de façon très pragmatique. Aujourd’hui la question de l’accessibilité est (censée être) acquise, aussi les problématiques se sont déplacées vers des questions plus profondes de la vision même du handicap. L’idée est de sortir du cliché de la personne dépendante, comme le montre le pictogramme du projet The Accessible Icon Project, ou du handicap comme étant forcément un marqueur physique visible, ce qui n’est pas le cas de la majorité des handicaps, comme déjà vu.

Développer des pictogrammes montrant la variété des atteintes et des troubles physiques et psychologiques, c’est leur donner une existence publique et les sortir de l’ombre d’une part, et faire en sorte que les personnes les subissant puissent vivre d’une façon plus digne d’autre part. Créer un pictogramme puis en proposer une nouvelle version ou y adjoindre des compléments c’est, par certains aspects, un processus politique et social.


  1. « ISO 7001 », wikipedia (source)
  2. ISO 7001:2023 – Symboles graphiques – Symboles destinés à l’information du public enregistrés, ISO, 02/2023 (source)
  3. « International Symbol of Access », wikipedia (source)
  4. Accessible Icon Project, Sara Hendren & Brian Glenny, accessibleicon.org (source)
  5. « Accessible Icon Project: overview », Tim Ferguson-Sauder (source)
  6. « Wheelchair symbol », emojipedia.org (source)
  7. « Création du pictogramme handicap invisible dans les maladies rares », rendrevisible.fr, 28/11/2018 (source)
  8. « Handicap invisible », APF France handicap (source)
  9. « Connaissez-vous les pictogrammes de personnes en situation de handicap ? », handinorme.com, version du 27/12/2021 (source)
  10. « Pictogrammes », dans la rubrique Culture et handicap, Ministère de la Culture, 11/03/2019 (source)

L’alphabet plastique d’Herbin

Auguste Herbin est un artiste plasticien et théoricien de la couleur français, né en 1882 et décédé en 1960. Il est en particulier connu comme étant une des figures de la peinture abstraite. C’est entre les années 40 et 50 qu’il développe une méthode pour créer ses compositions à partir d’une sélection de 26 couleurs et de 5 formes géométriques simples : carré, rectangle, cercle, triangle, demi-cercle. Ces éléments sont associés à une note musicale ainsi qu’à une lettre de l’alphabet. Ainsi chaque tableau créé est en fait à la fois une représentation visuelle du mot qui donne son nom à la composition plastique et une composition valant partition musicale.

Vendredi 1, 1951 – © Adagp, Paris

Ce travail mènera en 1946 à la publication d’Alphabet plastique, la théorisation de son système de création puis en 1949 celle de l’Art non figuratif, non objectif qui sera ensuite considéré comme une référence de la théorisation de la couleur et un livre de chevet des artistes de l’abstraction semble-t-il.

L’alphabet plastique – © Françoise Bahoken

Un système taillé pour la pédagogie

Difficile de ne pas voir le potentiel créatif de cette méthode de construction de compositions graphiques, et il est clair que quelques minutes sur un moteur de recherche vous montreront quelques adaptations pédagogiques de ce système. L’alphabet plastique permet en effet d’à la fois exercer ses compétences en géométrie par l’apprentissage des figures de base et de s’initier aux arts plastiques par le biais de la gestion des couleurs et la création de compositions graphique. Cela sans compter également les possibilités de création sonores et du lien évident avec la synesthésie. Quand on peut associer par la pédagogie et le ludisme les arts plastiques, la musique et les sciences, il faut saisir cette occasion.

De quoi donc décliner ce système en toutes sortes de choses : exercices de pure géométrie mathématique, de peinture, de collage, et ce avec des tout petits comme avec des plus grands. Pourquoi pas également un cahier d’initiation, à la manière du Livret d’initiation plastique et du Cahier d’exploration graphique tels que pensés par Sophie Cure & Aurélien Farina ?

Ensuite il n’y aura plus qu’à faire un normographe, une application de dessin et un caractère typographique avec quelques fonctions de randomisation, non ? Pour le caractère typographique, je suis sur le coup.


  1. « Auguste Herbin », wikipedia.org (source).
  2. L’Art non figuratif non objectif, Auguste Herbin, Hermann (1949)2012
  3. « Auguste Herbin », Galerie Denise René (source)
  4. « L’alphabet plastique d’Herbin », Françoise Bahoken, 07/03/2022 (source)
  5. « Collection Herbin, documentation pédagogique », Musée Matisse Le cadeau-cambrésis (source pdf)
  6. « Vendredi 1 » (fiche de référence de l’œuvre), Centre Pompidou (source)